Je suis un connard. Un pur produit de la société actuelle, j'aime l'argent facile, le sexe, la solitude. Je décide aujourd'hui de ce que vous allez vouloir demain, je consomme en un soir l'équivalent de votre revenu mensuel. Je ne vous aime pas, je ne vous ai jamais aimé. Je vous souris, vous offre des verres, mais sachez qu'au plus profond de moi, je vous méprise, oui je vous méprise bordel. Je n'ai jamais aimé personne. Enfin. Si.
Il y a eu Elle. Elle était belle vous savez, ses yeux n'étaient pas seulement marrons. Ils étaient toute ma vie, je m'y noyais je crois. Elle avait un cou gracieux, une nuque sensuelle, des boucles qui lui tombaient sur ses épaules trop souvent nues dans mes bras. Je la désirais plus que quiconque, plus que tout, je n'avais jamais autant désiré quelque chose, quelqu'un. Je vais arrêter là, je n'aime pas avoir mal. Trop tard. Ça me rendait malade de la savoir loin de moi, mais j'avais toujours son odeur sur son chouchou que j'avais à mon poignet, alors parfois, des heures la nuit, je le sentais quand elle n'était pas près de moi. Je me trouvais fou, je ne comprenais pas pourquoi je réagissais ainsi, alors je me fumais une cigarette près de la lune pour oublier que je me trouvais fou mais je pensais encore à elle. C'était un cercle vicieux. Et quand elle était là, Dieu ! Que c'était bon. Elle avait une voix douce, toute fluette, pas ces voix suaves de publicité non, une petite voix douce qui me faisait frissonner de bonheur. Parfois on s'asseyait tous les deux, la nuit, sur un banc face à Paris, et elle me parlait d'elle, de ses projets, de son enfance, de nous. Moi je l'écoutais, je buvais chacune de ses paroles. Alors quand je la laissais parler trop longtemps, elle se taisait et me disait que il fallait qu'elle arrête de parler autant, encore et encore. Elle ne me laissait pas le temps de rétorquer que déjà sa bouche était sur la mienne et elle m'embrassait comme une déesse. Dans ses bras je redevenais un enfant docile, et j'aimais ses défauts, les pires, j'aimais le goût de ses larmes parce que elle était tellement belle quand elle pleurait, mais si il avait fallu j'aurai renversé des montagnes pour qu'elle arrête d'avoir mal, ouais. Elle m'emmenait toujours dans des endroits insolites pour faire l'amour, que c'était bon, putain, si vous saviez comme c'était bon.
Pourquoi avait-je si mal quand j'étais loin d'elle? C'était comme si je n'existais plus, vous savez, comme si ma triste existence pourtant bien remplie se réduisait soudain à son unique personne, et puis je n'étais pas un romantique, moi, non, je n'étais pas un romantique. Et puis un soir, alors que j'avais encore son parfum sur mon oreiller, je me suis rendue compte que je l'aimais. Moi, aimer, vous rendez vous compte? Cette révélation m'apparut comme une lumière, et je l'ai appelé, elle était fatiguée je crois, elle voulait se coucher mais il fallait que je lui dise, je lui ai dit : Je t'aime, je t'aime, je t'aime, je n'ai jamais aimé mais je crois bien que je t'aime. Elle a ri doucement en disant que j'étais fatigué et qu'il fallait que j'aille me rendormir, oui, que j'aille me rendormir, elle m'a embrassé encore et moi je lui disais, je lui ai crié " Je t'aime ! Je t'aime ! JE T'AIME BORDEL ! " et elle riait encore doucement, de son petit rire que j'aime tant. Je me suis mis à pleurer, je me suis assis par terre comme un gamin et je répétais ces trois petits mots en chuchotant, pour moi, elle s'est accroupie à côté de moi, a pris mon visage entre ses mains et elle m'a dit : " je t'aime aussi, mais tu le sais, ça, tu le sais déjà, non? " , et moi je hochai ma tête pleine de larmes, ça m'a rassuré, elle m'a raccompagné chez moi mais elle était trop fatiguée pour rentrer chez elle, alors elle s'est endormie, là comme ça, dans mes bras. Je l'ai soulevé doucement, pour ne pas la réveiller, et je l'ai déposé sur mon lit, je me suis couché à côté mais je ne pouvais pas dormir, non, je ne pouvais pas, si je bougeais peut-être que je l'aurai brisé. Alors je l'ai regardé, le souffle régulier de sa respiration m'apaisait, je voulais l'entendre toujours.
Mais elle n'est plus là vous savez, non, elle est partie, c'est moi qui l'ai fait partir, j'ai encore fait le connard, j'ai voulu me protéger de elle avant qu'il ne soit trop tard, mais il était déjà trop tard, c'est là toute ma connerie. Vous savez, ça fait cliché et je suis une ordure donc je ne suis pas censé vous dire ça, mais bordel, croyez-le ou non, c'était elle ma raison de vivre.